"Le secret de Monsieur Bernard Plasse.
Après un séjour dans le Nevada, Max Ernst a peint de minuscules paysages d’un format de timbre-poste qu’il nomma des microbes. L’ouverture de la galerie du tableau s’est faite avec un de ses microbes de Max Ernst.
Aujourd’hui, dans cette pièce de seize mètres carrés vous pensez voir des assiettes, un dessus de table, des feuilles trouées. C’est étrange comme on voit rarement les choses qui sont devant nous. On les regarde, elles nous regardent, on les croise mais on ne les voit pas. Ah ! Voir ! Ces choses, là, devant vous sont surement des messages. Le monde est farci de signes, même si les auteurs n’en connaissent pas tous les codes, ni les clés. Il est difficile de savoir si ces messages sont tous cryptés. Il s’avère pourtant que nous avons souvent du mal à les déchiffrer. Il faut faire avec ça. C’est notre monde. Mis à part quelques outils, comme le voyage en space-cake (gâteau au cannabis), nous ne disposons pas encore de beaucoup de machines pour interpréter la réalité et ses multiples langages.
Quand je me rends à la galerie du tableau (coquille ou Bernard l’ermite s’est infiltré à l’arrache pour y élire bureau), je ne vais pas voir Monsieur Bernard Plasse ou des œuvres en particulier. Non, je vais plutôt participer à une heure ou deux d’une longue action qui dure depuis des années. C’est une supposition. Tout le monde peut en faire autant. Il n’y a pas d’exclu. C’est ouvert aux passants. Peut-on supposer que quelqu’un est décidé de mener une vie conceptuelle et qu’il est fait de sa vie une performance sans le dire à personne ? Pourrait-il y avoir un art conceptuel brut ?
Les expositions dans cette galerie ne seraient que leurre et prétexte. Le principe ne serait pas l’unité, l’exposition, mais la suite, l’ensemble, le groupe. Chaque exposition s’ajouterait aux autres dans un mouvement continu. On peut donc prendre sa vie (l’enfance, l’adolescence, l’âge prétendument adulte, la vieillesse) comme une suite de performances. En ce moment même, en lisant ce que vous êtes en train de lire, oui, en lisant ce que vous êtes en train de lire, ne vous retournez pas, ralentissez votre respiration, ça y est, voilà, c’est trop tard, vous êtes dans le dispositif."
Jean-Pierre Ostende
(2014 – pour l’exposition de Jean-Marc Andrieu, Bernard Plasse, Arnaud Vasseux)
La Galerie du Tableau / Association Diem Perdidi
La Galerie du tableau est la plus ancienne galerie Marseillaise encore en activité, elle a été créée le 17 décembre 1990 par Bernard Plasse, ainsi que l'année d'après l’association Diem Perdidi qui organise sa programmation. La galerie du tableau a depuis permis à des milliers d’artistes de s’exprimer, expérimenter et rencontrer leurs pairs et un réseau de passionnés à Marseille, en France et dans le monde.
Par sa forme, sa malléabilité et l’espièglerie de son créateur, elle a ouvert des champs d’explorations entre pratiques, lieux, concepts, domaines de connaissances. Elle a permis des voyages, entre autres, vers les Etats-Unis, l’Allemagne, la Belgique et la Chine. De nombreux artistes ont fait leurs premiers pas face aux publics au 37 rue Sylvabelle à Marseille, avant pour certains de connaitre des parcours internationaux. Elle a été aussi à l’origine de nombreuses autres institutions marseillaises aujourd’hui sur le devant de la scène (Triangle, réseau P.A.C. , etc… ).
Cette galerie tente d’éviter les dogmatismes, les chapelles de l’art contemporain, l’individualisme outrancier et les excessives dérives de la professionnalisation du monde de l’art. La galerie du tableau privilégie les coopérations désintéressées. Elle est en lien avec de nombreuses associations et institutions pour faciliter les circulations et les rencontres entre les artistes et les publics. Encore aujourd’hui, le dévouement de son fondateur pour la création en témoigne.